Rencontre avec l’artiste camerounaise Seppo après son nouveau single « Toquer Goûter »

Article : Rencontre avec l’artiste camerounaise Seppo après son nouveau single « Toquer Goûter »
Crédit: Steven's Music
14 avril 2023

Rencontre avec l’artiste camerounaise Seppo après son nouveau single « Toquer Goûter »

Neuf mois après son premier single « Sokolo » sous l’égide du label Steven Music, l’artiste Alexandra Seppo a récidivé le 1er Mars dernier avec « Toquer Goûter ». La chanson est une fusion rythmique singulière entre le Makossa du Cameroun et le coupé-décalé de la Côte d’Ivoire. Un vrai bonbon musical qui laisse entendre toute la richesse et la diversité des cultures musicales africaines !

Pochette
Pochette du single « Toquer Gouter: Crédit : Steven Music

Grâce à une voix remarquablement aisée et puissante, c’est avec son single « Toquer Goûter » sorti le 1er mars dernier que Seppo (de son vrai nom Bito Seppo Alexandra Hortense) est revenue sur la scène musicale camerounaise. Elle y aborde avec brio le sujet de la dot au Cameroun dans un contexte socioculturel où les unions se raréfient et les séparations abondent.

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Les résultats obtenus par cet opus musical offrent une preuve tangible de la justesse artistique et du talent prometteur de l’artiste au sein de la scène culturelle camerounaise. Animé d’une curiosité et d’un enthousiasme débordant, j’ai profité de son « média tour » pour en découvrir davantage sur les coulisses de « Toquer-Goûter ». Si les amphis et les studios sont diamétralement opposés, l’artiste que j’ai rencontré a réussi à allier les deux !

Avoir des garde-fous

C’est donc dans le cadre de la promotion de son nouveau single « Toquer Goûter » que je vais à la rencontre de Seppo. Bien qu’elle soit littéralement éprise de musique, j’étais curieux de savoir si elle avait d’autres passions.

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L’artiste Seppo et moi. Crédit : Tubuntu agency

Hormis la musique, Seppo est passionnée d’informatique. Elle est d’ailleurs titulaire d’un Master-2 en informatique industrielle. Je me trompe en lui demandant comment étaient ses études à l’université de Bua (dans le sud-ouest Cameroun), elle me reprend très vite : « Non, je n’ai jamais été à Bua pour des études, plutôt à Limbé pour un stage dans une Banque ». Ok très bien, autant pour moi. Pour détendre un peu l’atmosphère je la charrie sur le fait qu’elle ait déjà vu plus d’argent que moi. « Non, moi j’étais à la cellule informatique, donc je ne voyais pas d’argent tant que ça. Si ce n’était que pour échanger mes vieux billets pour des neufs claquants ! » Elle me le dit avec un sourire !

Quelques jours avant, en parcourant son dossier de presse, l’accent qu’elle avait mis sur sa mère adoptive, Angèle Ekanga Seppo, ne m’avait pas échappé. Je décide alors d’en connaître les raisons. « Mama Angèle est tout pour moi. C’est ma belle-mère, la femme de mon père. Elle m’a prise toute petite, elle a tout fait pour moi, et continue d’ailleurs d’en faire. Je l’aime. C’est ma mère. »

La dot ou le « toquer-goûter »?

Je dois avouer que, au-delà du talent de Seppo, c’est la thématique de la dot qui m’interpelle particulièrement dans sa chanson. En filigrane, il s’agit de l’histoire d’une femme à qui un courtisan propose de faire l’amour en échange d’un « toquer-porte » (une demande en mariage coutumière), mais celle-ci exige un « toquer » avant le goûter (mais quel goûter ? Mystère…).

Durant notre entretien, je lui ai donc demandé l’histoire qui se cacherait derrière cette œuvre. Spoiler alert, je m’attendais à ce que ce soit une histoire vécue, je ne sais pas pourquoi… Alexandra Seppo m’a raconté que tout avait commencé par une anecdote, qui se résumait en presque trois paragraphes, et que je vais maintenant vous raconter. Tout a commencé en décembre dernier par une conversation entre le producteur et la sœur de Seppo. Ce dernier tenait absolument à féliciter celle-ci pour son « toquer-porte ». Quelle ne fut pas sa surprise lorsque celle-ci lui répondit que la dot n’était pas une garantie de mariage ! Et même d’ajouter : « On peut te doter et ne jamais t’épouser« . Cette conversation suscita chez le producteur le thème d’une chanson qu’il s’empressa de proposer à Seppo. C’est ainsi que l’artiste s’est mise à travailler sur cette thématique. Le lendemain, elle se rendait en studio pour enregistrer le titre !

Je dois dire que cette histoire m’a vraiment touché, car elle montre bien les dessous sombres de certaines célébrations des noces pourtant enviables par beaucoup de prime abords. Mais cette chanson est également un message de résilience et d’espoir, qui encourage les femmes à être fortes et indépendantes, quelles que soient les pressions sociales auxquelles elles peuvent être confrontées.

Néanmoins, une question reste en suspens pour moi : pourquoi se donner autant de mal pour doter (se fiancer à la coutumière) une femme pour ne pas l’épouser par la suite ? Cela ne trahirait-t-il pas le fait qu’aucun couple solide ne saurait reposer sur le matériel, sur toute autre motivation que l’amour ?

Un prétendant prévenu et des chiffres rassurants

Après avoir écouté attentivement la chanson, je me demandais si Alexandra avait déjà vécu une histoire similaire par le passé. Je décide donc de lui poser la question, curieux de connaître sa réponse. Alexandra sourit avant de répondre d’une voix assurée : « Non, grâce à Dieu, grâce à Dieu… Et d’ailleurs si quelqu’un venait à toquer et ne finissait pas par m’épouser, il serait mort ».

Clip officiel de la chanson « Toquer-goûter » – Youtube

Malgré cela, la jeune artiste a de quoi être sereine quant à sa carrière musicale. Ses chiffres sur le digital sont impressionnants : depuis la mise en ligne de sa chanson le 1er mars dernier, elle a enregistré plus de 118 000 vues sur YouTube, compte 21 000 abonnés sur Facebook, et 91 000 abonnés sur TikTok. De plus, son challenge #toquergoûter a généré plus d’un million de vues. Il est indéniable qu’Alexandra a su toucher les gens avec sa chanson.

Le Cameroun a besoin de fonds pour mettre plus de « Seppo » en lumière !

Le Cameroun est un pays avec une riche histoire musicale, et l’avenir de la musique dans ce pays semble prometteur. Selon une étude de l’Observatoire de la Culture du Cameroun en 2021, le secteur musical du pays a connu une croissance de 5,5% entre 2018 et 2020, représentant environ 21 milliards de FCFA (environ 40 millions de dollars).

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Lorsque nous approchons de la fin de notre entretien, l’artiste recommande vivement de travailler dur pour briller, notamment sur le « continent camerounais ». Si elle est consciente que le Cameroun, comme de nombreux autres pays en Afrique, regorge de talents dans divers domaines, notamment dans la musique, trouver un producteur comme elle l’a fait avec Steven Music, son label, est un véritable Jackpot !

Crédit : Pixabay

Il est important de rappeler que le même label a contribué au succès de l’artiste multi-récompensée Daphné. Néanmoins, la question de la structuration persiste au Cameroun, de même que les comparaisons avec les industries musicales du Nigéria voisin et de la Côte d’Ivoire. Les salles de concert sont souvent vides et les carrières éphémères, ne durant que le temps d’un ou de deux singles. La production coûte cher et les plateformes de diffusion ne proposent pas toujours des contenus pertinents et attrayants.

Les yeux sont plus que jamais tournés vers le Nigéria et la Côte d’Ivoire. Les producteurs, les labels et les entrepreneurs culturels ont besoin de subventions pour mettre en lumière de nombreux talents locaux. Comme toujours, l’État est considéré comme la solution à ces problèmes. En tout cas, il va sans dire que Seppo est très talentueuse, mais qu’elle a également eu de la chance. Nous pouvons attendre beaucoup de la politique culturelle visant à promouvoir l’industrie musicale nationale.

Je prends congé d’elle avec de nombreuses questions sans réponse, mais j’ai la certitude que sa voix puissante continuera de résonner dans le paysage musical camerounais, point final.

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